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Genèse du Conclave


Acte premier


Un éclat, une lueur, et une immense lumière. Suciva venait de naître du néant et de l'ombre, apportant avec elle l'harmonie de toute chose. Puis un son, et une voix. En chantant, elle avait créé le souffle. Des notes les plus graves naquirent les dieux inférieurs, alors que des notes les plus aiguës jaillirent les muses. Ensemble ils reprirent en chœur leur grandeur, et leur toute puissance, décidant de façonner la vie à leur image, et vénérant l'immensité de Suciva.

De la colère de celle-ci naquit la terre, de ses larmes jaillit l'eau, et de son souffle apparut le vent. La Grande déesse du Sublime venait d'apporter l'équilibre. Ainsi elle demanda à Suirad de créer l'Homme et pria Ganash de façonner le visage du monde. Les premiers êtres apparurent, à l'image des dieux, et avec eux la vie.

Plus tard, Suciva chanta à nouveau, et fit don aux Hommes des sentiments et des sens. Ainsi les premiers nés se déplacèrent et peuplèrent toute la surface de la Terre. Ils créèrent des villes, se multiplièrent. Mais il se passa une chose que même Suciva n'avait pas prévu. En même temps que le progrès, se développèrent la jalousie, l'avarice, la méchanceté, et la guerre. Naquit alors l'imperfection, et la souffrance. L'œuvre des Dieux s'autodétruisait, et les terres que l'on avait surnommées "terres d'argent" de par leur rayonnement, leur joie, et leur prospérité, devenaient peu à peu les "terres de sang".

Aussi, les Dieux créèrent la Grande Clé, qui devait être salvatrice, et guider leur monde vers un nouveau jour. Celle-ci fut confiée à quelques Hommes qui firent le serment de s'en servir, de la protéger, et bénirent la grandeur des Dieux. Ils se proclamèrent les gardiens de la volonté de ceux-ci, et fondèrent le Saint Ordre : Le Conclave qui signifiait "Sous clé". Car ils se plaçaient désormais sous l'autorité de Suciva et de ses frères, louant la Sainte Clé qui n'était autre que le renouveau.

Ainsi les gardiens de la Clé fondèrent une noble et belle cité, où resplendissaient la richesse et la bonté, la grandeur et la prospérité. Les adeptes du Conclave se multiplièrent et partirent prêcher l'immensité de Suciva aux quatre coins du monde. La Clé d'Or fut quant à elle placée sous l'autorité des Prélats et des Dignitaires, qui la protégeaient avec honneur et soumission dans la Salle la plus inaccessible de la cité, que l'on rebaptisa la Salle d'Or en raison du reflet somptueux de la Sainte Clé sur la voûte et sur les murs.

Nombreux furent ceux qui espérèrent dérober la Sainte Clé, mais elle était la volonté de Suciva, l'espoir du renouveau et le devenir du monde. Les rares élus qui pénétrèrent dans la Salle d'Or, devant la beauté divine de la Clé ne repartirent plus jamais de la cité, et vouèrent une admiration sans limite aux Dieux du Conclave.

Puis les années passèrent, sans que la situation des Terres d'Argent ne change. Bien au contraire, elle empira. Les assassins, les conflits, et les vautours assoiffés se multiplièrent, donnant peu à peu un visage de mort à la Terre que Suciva avait façonnée à son image. Le Sanctuaire fut pris de panique, et le Haut Dignitaire chercha à entrer en contact avec la déesse du Sublime, afin qu'elle lui révèle comment utiliser la Clé. Ainsi une illumination divine pénétra la Salle d'Or, et dans un rayonnement surpuissant, on distingua des écritures anciennes sur la Clé. Les plus sages des Prélats cherchèrent en vain leur signification, alors que tous les livres anciens de la Bibliothèque étaient lus avec soin pour trouver des éléments de réponse. Les dignitaires du Conclave, ensemble, se réunirent devant l'autel Saint et, en cercle, ils cherchèrent la réponse dans les sciences occultes, entrant tour à tour dans une transe shamanique. Ainsi fut révélée aux plus fidèles serviteurs de la déesse la langue des Dieux, qui allait permettre de déchiffrer la Sainte Clé.

Une incantation. Telle était la nature des symboles qui ornaient la Clé d'Or. Il y était écrit en langue divine :

"Bénis soient les serviteurs du renouveau, bénis soient les enfants de Suciva, que la puissance divine les guide vers des jours meilleurs, et que la fidélité soit récompensée par l'honneur."

La Sainte Clé allait délivrer son plus redoutable secret.



Acte Second


Et tout fut semblable au premier jour. Une lumière d'une blancheur divine et aveuglante envahit la salle d'Or lorsque Jareth fut invoqué par les prêtres du Conclave. Il était l'espoir et la puissance, l'allégorie de la force pure. Un titan de plusieurs mètres de haut à tête de lion et à la musculature impressionante. Il était vêtu d'un pagne d'or, et arborait sur sa poitrine la Sainte Clé qui était dorénavant liée à la quête de son gardien. Rien ne semblait pouvoir résister à cet avatar divin gigantesque.

Jareth se redressa. Il ouvrit lentement les bras, alors que ses yeux parcouraient ses poings et ses griffes. Il semblait découvrir peu à peu le corps qu'il occupait. Puis il poussa un rugissement sonore qui brisa tous les vitraux de la nef et apeura les prêtres qui étaient agenouillés devant lui. Lorsqu'il les aperçut, il sembla sourire un instant, dévoilant une mâchoire de carnassier. Avec une rapidité insoupçonnée, il embrocha l'un des Prélats d'une de ses griffes, se délectant du visage terrorisé du prêtre, avant de le broyer entre ses dents. Le bruit des os brisés sembla alerter les autres, paralysés jusque là devant cette scène d'horreur. Tous couraient dans la Salle et Jareth les piétinaient avec enthousiasme, les décapitant de temps à autre avec ses griffes qu'il semblait pouvoir allonger à sa guise. Le sang coulait à flots.

Le Haut Dignitaire qui n'appréciait que peu l'aide de Jareth pour l'instant, eut une illumination. Ses yeux devinrent lumineux, sa voix rauque, alors que tout semblait disparaître autour de lui. Lorsque il reprit connaissance, il admirait la nef de tout en haut, et tenait un cadavre ensanglanté dans sa main. Il était Jareth.

Tous rendirent ensuite grâce à Suciva, et la journée tragique de l'arrivée de Jareth sur Terre fut bien vite remplacée par des jours meilleurs. La puissance du Sanctuaire devint sans limite, et des armées entières partirent accomplir la volonté de la déesse : annihiler les êtres inférieurs afin de rebâtir un monde sain. Dirigées par Jareth, les troupes avançaient sans difficulté. Le titan était contrôlé par le Haut Dignitaire Hestius et semblait invulnérable. Les villages, les bourgs, et les châteaux des contrées voisines tombèrent peu à peu. Aux rangs du Conclave s'ajoutaient tous ceux qui croyaient en la cause du Saint Ordre, alors que les hérétiques étaient brûlés. Bien vite le ciel devînt d'une noirceur impénétrable.

Hestius fût idolâtré, et rien ne semblait pouvoir arrêter la marche de Jareth et ses soldats. Tous les peuples, tous les êtres des terres d'argent disparaissaient peu à peu. L'avènement de Suiciva et le renouveau étaient proches. Mais il fut des êtres qui résistèrent. L'ultime alliance des Guerriers et des Magiciens.

En Kedok, une contrée devenue sombre et déserte, les deux armées s'affrontèrent. Hestius et Jareth face à la coalition de Groar le Barbare et de Archimède le Sorcier. Les pertes furent nombreuses des deux côtés. Les deux armées se faisaient face. D'un côté les sorts fusaient vers les Prélats, alors que de l'autre des flèches aux pointes de feu, et des rochers étaient envoyés par Jareth et ses troupes. Lorsque le plus grand nombre fut tombé, des cors et des trompettes annoncèrent une charge imminente. Le carnage fut sans précédent.

La bataille dura des jours, puis Groar fut décapité par Jareth alors qu'il demandait à boire, et Archimède fut mortellement touché par l'épée empoisonnée d'Hestius. Tout espoir chez les troupes alliées semblait avoir disparu lorsque la lumière fut intense. Milwain, un jeune soldat des Alliés qui s'étaient regroupés en un cercle rapproché, venait de blesser mortellement Hestius au cœur, le transperçant avec vigueur à l'aide de sa dague d'argent.

Le jour fit à nouveau son apparition, et l'herbe semblait déjà repousser. En mourant, Hestius avait emporté avec lui Jareth, et les troupes du Conclave avaient été dissoutes. La Clé d'Or fut récupérée par un jeune Prélat, mais elle avait perdu toute sa luminosité. La volonté de Suciva semblait l'avoir abandonnée. Tout redevint comme avant, et la vie reprit son cours habituel. Des monuments furent érigés en mémoire à Groar et Archimède sur le Champ de Bataille, et les derniers adeptes du Conclave vécurent seuls des années entières dans les montagnes de Dusso, après que le Sanctuaire ait été détruit.

Des siècles passèrent, et avec eux des générations d'Hommes. L'Histoire fut peu à peu oubliée, et les conflits entre guerriers et magiciens se multipliaient, comme si la nature même des uns et des autres justifiait les confrontations. Le Conclave avait survécu au temps, et s'était même renforcé. L'avènement du nouveau Haut Dignitaire Darius était passée inaperçue, et les signes d'activité émanant du Sanctuaire, rebâti, ne semblaient pas inquiéter les bourgs voisins.

Jusqu'au fameux matin. Les années étaient passées, et la lassitude gagnait le Conclave, celui-là même ne sachant désormais si ses prières à Suciva étaient entendues. Alors qu'il passait devant l'autel des Dieux, le Premier Dignitaire sentit la lumière l'envahir. La sensation fut divine, et il sentit la force le gagner. Dans un éclair de lucidité et rapidement, il courut vers la nef sacrée, bousculant au passage les Vieux Prélats qui méditaient sur la nature de l'air. Son intuition allait se révéler juste. Il ouvrit les portes de la Salle d'Or avec fracas : la Clé d'Or brillait de mille feux.

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