Publication : 10/01/05.
Auteur : Cariboux83.
Mise à jour : aucune.
Poids : 1
Prix d'achat : 4.000 Po
Baduk : K14 Bibliothèque des Nains
La fin des contes
Extrait du journal du Mage Uscul Thornguard, Grand Invocateur de la Guilde Impériale.
28 Vendanges
La guilde des enchanteurs du Bas-Pays a émis officiellement une menace d’insurrection. Ils revendiquent le droit d’exercer leur discipline sans barrières, et par conséquent le libre usage des esprits forestiers, les plus communs à utiliser pour leurs enchantements. Ceux-ci sont actuellement protégés et ne peuvent être utilisés dans des envoûtements d’objets, armes et pièces d’armures qu’en quantité limitée et avec autorisation préalable émanant de l’instance supérieure locale adéquate.
Extrait de « Mystères et magie du Bas-Pays »
Lorsqu’on parle d’esprits forestiers, le terme « esprit » fait référence au sens général du mot, c’est à dire aux habitants sauvages et magiques des bois, aux incarnations forestières et aux puissances sylvestres.
Extrait du journal du Mage Uscul Thornguard, Grand Invocateur de la Guilde Impériale.
30 Vendanges
Les enchanteurs du Bas-Pays ont reçu le soutien des principales guildes d’enchanteurs de l’empire. Ils menacent de cesser leur collaboration avec l’armée si leurs exigences ne sont pas satisfaites.
34 Vendanges
La guilde dissidente a mis ses menaces à exécution. Tous les avantages magiques des objets forgés ou enchantés par eux ont disparu, et ce dans tout l’empire. Si cela s’apprend, les ennemis de l’empereur peuvent attaquer en moins de trois jours. Ils traverseraient facilement nos défenses, le point fort de notre armée étant son infanterie, à présent affaiblie.
03 Clairciel
Le Grand Conseil a tranché. La loi a été modifiée en faveur des revendications des Enchanteurs. Ils peuvent à présent utiliser librement les esprits forestiers, sans limite de nombre ni de genre. Tous les équipements créés par eux sont en train de récupérer leurs propriétés magiques.
8 Clairciel. Rapport du village d’Ignag Barr, Bas-Pays, à l’Empire.
Les taxes sont collectées, et les propriétés des mauvais payeurs saisies. La nouvelle loi concernant la libre capture des esprits du pays n’a aucune conséquence négative. Une demi-douzaine de mages ont installé un campement provisoire au village. Certains font partie de la Guilde des Enchanteurs, d’autres non. Tous pratiquent l’enchantement et vont quotidiennement en forêt. La capture des esprits se fait par sorts de pétrification. Certains villageois posent également des pièges pour y emprisonner les esprits mineurs, qu’ils revendent aux mages.
13 Clairciel. Lettre saisie d’un milicien.
Ma chérie,
Ici tout se passe bien. Je compte les jours de service qui me restent à tirer avant de te retrouver. Encore 2 ans loin de toi, 5 ans de service c’est vraiment trop long. Trois ans suffiraient largement, cela fait 30 ans qu’il n’y a plus eu de guerre ! On s’ennuie tellement ici. Hier un chien mort a été retrouvé en forêt par la patrouille. Il était presque entièrement recouvert par les racines d’un arbre. Chacun sait que cet endroit est magique, mais personne ne l’a jamais considéré comme dangereux. Habituellement les animaux s’y plaisent, et aucun ne s’y est jamais perdu. La forêt m’a toujours semblé bienveillante, aussi je doute qu’elle ait soudain changé de nature. Qu’importe. Je voulais te dire encore combien je t’aime (…)
18 Clairciel. Rapport de Shad Bal, Bas-Pays, à l’Empire.
Il se passe des événements étranges ici. Trois villageois sont portés disparus, sans compter les animaux de compagnie des villageois. Ils sont tous partis. De nombreux chevaux deviennent fous dans les étables, ils refusent de se laisser monter et donnent des ruades lorsqu’on les approche. Une clôture s’est rompue – ou plutôt a été forcée - et deux douzaines de bovins se sont enfuis. Leurs traces mènent à la forêt proche, mais les mages qui la fréquentent n’y ont jamais trouvé aucun animal d’élevage ou domestique. Des voyageurs nous ont appris que les villages voisins de Soth Vaal, Dam El Drum et Ignag Barr connaissaient des problèmes similaires.
20 Clairciel. Rapport de Soth Vaal, Bas-Pays, à l’Empire.
La situation devient inquiétante. Une patrouille d’éclaireurs du fort Vaal est partie hier en forêt à la recherche des disparus, et elle n’est toujours pas revenue faire son rapport. La thèse de la désertion d’une patrouille entière est à rejeter. Il aurait pourtant mieux valu que cela fût une désertion, car nous craignons fort que quelque funeste sort leur soit arrivé. La population des villages de la région s’inquiète. Certains quittent déjà les villages. Sans en arriver à de telles extrémités, il serait urgent de réagir. Dès demain, à l’aube, 5 mages récemment arrivés à Soth Vaal partiront en forêt, escortés par 8 hommes d’armes et autant d’archers. Ils seront accompagnés d’un elfe, race réputée pour sa connaissance de la nature.
22 Clairciel. Message de Dam El Drum porté par courrier rapide à la cité impériale
Ce matin, un elfe nous a transmis un message. Nous pensions à un message de Soth Vaal concernant les manifestations étranges de la forêt, mais c’était un message de la forêt elle-même. Il nous a raconté que le groupe de mages, de guerriers et d’archers qu’il accompagnait était parti la veille au matin pour trouver la raison de ces faits inhabituels. Ils étaient arrivés sans encombre au plus profond de la forêt, mais avaient trouvé l’atmosphère chargée, oppressante durant leur voyage. Le soleil passait difficilement entre les hautes branches des arbres, qui paraissaient se rapprocher au fil du voyage. Non pas qu’il y en avait plus, mais qu’ils se rapprochaient réellement les uns des autres, formant une sorte de mur végétal autour du seul chemin praticable. Nous sommes disposés à le croire sur parole, en raison des récents événements inquiétants que connaît la région.
Au bout de quelques heures de marche, le groupe en était arrivé à marcher en file indienne, et il n’explorait plus quoi que ce soit depuis des kilomètres. Tous suivaient le chemin, non pas par commodité, mais parce qu’ils se sentaient obligés de l’emprunter. Puis, il n’y eut plus de chemin. Ni devant, ni derrière. Il n’y avait plus que la forêt, de plus en plus menaçante. Ce qui se passa ensuite n’a rien d’étonnant quand on connaît les forces sylvestres, mais n’en reste pas moins terrifiant. Les mages, d’abord. Sans que personne ne les remarque, des racines s’étaient coulées jusqu’à leurs chevilles. Avec la rapidité du serpent attaquant sa proie, elles se refermèrent dessus en faisant pousser un cri de surprise aux victimes. Puis il crièrent, de panique. Les branches des arbres avancèrent lentement vers eux, comme pour leur faire sentir leur force, et les enserrèrent à la taille ou aux bras. Les hommes d’armes tranchèrent les branches les plus faibles, mais ne purent empêcher la capture des mages. Ils continuèrent à crier, de rage, de terreur et de douleur. L’un d’eux, qui avait conservé un peu de son sang froid, lança un sort de pétrification. C’était peine perdue contre ces forces de la nature, la pétrification avançait trop lentement sur les troncs pour les arrêter assez vite. Mais la forêt ne les tua pas. Ils se retrouvèrent enfermés dans des cages de bois, et finalement de pierre pour celui qui avait lancé son sort. Les hommes d’armes, quant à eux, furent assaillis par une multitude de créatures bondissantes, piaillantes et ricanantes – c’est ainsi que l’elfe les a décrites – et tout effort pour s’en débarrasser fut vain. Comment tuer un ennemi qui verse de la sève et non du sang ? Il ne regarda pas ce qui se passa ensuite, mais quand il ouvrit les yeux, ils étaient partis. Il resta seul avec les mages et la forêt. Bien qu’horrifié par ce qu’il venait de voir, il ne sentit pas de menace peser sur lui, et se colla contre le tronc le plus proche, comme s’il savait ce qu’il devait faire. La forêt parla. A sa façon. Elle ne lui livra que ces quelques mots, en désignant les mages : « Ainsi avez-vous fait avec les esprits, avec notre âme, et ainsi ferons-nous avec vous tous. Préviens tes maîtres et pars. »
C’est ainsi qu’il arriva jusqu’ici, indemne mais à moitié fou. Il partit ensuite aussi vite que ses maigres jambes lui permettaient. Et peut-être devrions-nous l’imiter.
Extrait du journal du Mage Uscul Thornguard, Grand Invocateur de la Guilde Impériale.
25 Clairciel
Il aurait mieux valu que les armées barbares nous attaquent. La forêt gagne du terrain en Bas-Pays. Il est impossible d’allumer des feux à proximité, car ses racines brisent les jambes de toute personne assez courageuse ou stupide pour essayer. Les archers ont lancé des flèches enflammées sur les arbres, mais cela est resté sans effet. Il semble que même le feu n’obéit plus. Le feu n’est qu’un élément, il se refuse aujourd’hui à en détruire un autre.
26 Clairciel
Tous les villages du Bas-Pays ont été désertés. Les habitants se sont réfugiés dans les cités côtières non boisées et dans les montagnes où je me trouve, ainsi que notre cité impériale. Ici, nous sommes à l’abri de l’invasion végétale.
27 Clairciel
Victoire ! Les mages de toutes les grandes cités se sont unis et ont lancé ensemble un sort de pétrification unique contre les forêts proches. Sa progression a été stoppée, et elle recule à présent aussi lentement qu’elle est venue. Il va falloir du temps pour la ramener à ses anciennes limites.
28 Clairciel
La terre tremble. La forêt fulmine. Son activité est visible, on peut voir les feuilles s’agiter depuis les hauteurs, et de nombreuses créatures passer furtivement dans un rayon de lumière. La bataille n’est pas terminée, mais que prépare-t-elle ?
29 Clairciel
J’ai compris. Le feu s’était refusé à brûler la terre, à présent les esprits de la terre se mélangent à ceux de l’eau. On peut le voir depuis les tours de garde, des milliers de créatures se jettent dans l’eau à l’orée du bois et ne reparaissent pas à la surface. Tous les messagers disponibles sont partis vers les cités côtières.
Deux heures se sont écoulées depuis que j’ai couché les phrases précédentes sur le papier. Les messagers ne sont pas arrivés à temps. Les huit grandes cités côtières ont été englouties simultanément par huit lames de fond. La mer s’est abattue sur elles telle un mur d’eau, emportant à chaque fois des centaines de personnes en se retirant. Les attaques continuent à l’heure où j’écris ces mots. Les vagues monstrueuses ne cessent de frapper les villes, vides depuis longtemps. C’est comme si l’eau voulait les nettoyer de toute humanité.
30 Clairciel
L’eau monte. Mais cela ne signifie pas uniquement que le niveau de la mer s’élève. Je veux dire que les rivières et les fleuves gonflent en partant de la mer, comme s’ils refluaient vers leurs sources. Les villes qui se trouvent sur leur chemin sont noyées. Il est impossible qu’une marée arrive jusqu’ici, aussi puissante soit-elle, mais les mages de tout l’empire se sont quand même réunis tout autour de la cité impériale, pour contrer la dernière attaque qui ne saurait tarder.
31 Clairciel.
Il ne s’est rien passé pendant la nuit. Sans doute cela aurait-il été trop lâche et trop facile d’attaquer à ce moment. Les éléments réunis veulent nous montrer leur force. Tous les regards sont tournés vers la mer.
Il se passe quelque chose. La mer gronde.
On peut à présent apercevoir à l’œil nu ce qui se prépare. C’est une immense vague qui approche à une vitesse effrayante. Elle aura gagné notre cité dans une heure au maximum.
La ville retient son souffle. L’air est chargé d’humidité, et le bruit est assourdissant. La mer rugit, elle hurle sa colère et se prépare à s’abattre sur nous. Je vais rejoindre les défenseurs de la cité. Le ciel nous vienne en aide.
Nous avons réussi ! Lorsque la vague monstrueuse s’est préparée à frapper, tous les mages, les apprentis comme les Grands Maîtres, ont lancé un sort de mur de feu magique. N’étant pas naturel, il a parfaitement fonctionné contre la vague, qui s’est vaporisée, accompagnée d’un bruit strident à percer les tympans. Les habitants sont en liesse ! On danse, on chante et on rit dans les rues de notre cité ! Cette union face à un ennemi commun a rapproché toutes les guildes de mages, nous entrons dans une nouvelle ère de paix entre les guildes !
32 Clairciel.
Cette époque est finie. La nature a gagné et notre magie va disparaître avec nous. Le ciel est noir. Demain, il va pleuvoir sur l’empire tout entier.