Publication : 19/10/04.
Auteur : Maltabius.
Mise à jour : aucune.
Poids : 1
Prix d'achat : 30.000 Po
Baduk : G3 Bibliothèque de Baduk
Kedok : H22 La Plume de Mardeus
Boudok : B7 Aux écrits tôt
Histoire 2 : « Où il faut toujours croire aux malédictions »
Cette histoire là, je l’ai recueilli de la bouche d’une jeune aveugle rencontrée prés de Silver Lake. Elle y vit encore aujourd’hui en recluse et peut-être la croiserez vous un jour. Si c’est le cas, évitez de l’approcher car ce qu’elle a vécue a fait d’elle un paria, et elle supporte peu le contact avec autrui. Mais lorsque je l’ai croisé elle avait besoin de se confesser et, en ma qualité de Pasteur j’ai écouté son récit avec soin. Je vous le livre donc, tel quel, sorti de sa bouche.
« Je suis née il y a une trentaine d’année, dans une riche famille de Silver Lake. Mon enfance fût des plus heureuse, entourée que j’étais par mes deux parents aimants, et par mes deux frères aînés. Bien que je n’avais à me plaindre de rien, j’étais d’un naturel mélancolique, et je passais beaucoup de temps seule, à lire tout ce que je pouvais. Je m’enfermais fréquemment dans ma chambre et n’en sortais que pour me restaurer. Mes parents ne s’inquiétèrent de rien durant mon enfance, pensant qu’à l’adolescence je m’ouvrirais un peu plus sur mon entourage.
Mais plus je grandissais moins je changeais. Alors ils se firent une raison. J’étais aimable, bien intentionnée, polie, respectueuse, douce, mais je ne parlais presque pas. Je ne leur livrais jamais mes émotions, me contentant de leur parler uniquement pour les rapports les plus simples. Je répondais à leurs questions mais n’engageais jamais la discussion sur le chemin de ma personnalité. Mes deux frères, bien que tendres avec moi, commencèrent, à mon adolescence, à me taquiner gentiment. A l’âge ou toutes les filles avaient des amourettes, moi je me taisais à ce sujet. Bien sûr que je voyais les garçons, mais comment en parler à quelqu’un ? J’étais persuadée que personne ne pouvait me comprendre et gardait mes sentiments secrets. Ils me harcelèrent donc, tout d’abord par intermittence puis peu à peu cela devint un jeu. A chaque fois que je sortais de ma chambre pour rejoindre le reste de la famille à table, les réflexions devenaient de plus en plus fréquentes.
« Tiens voilà la nonne ! » « J’ai croisé un guerrier qui m’a parlé de toi, tu lui as tapé dans l’œil mais toi tu t’en moques ! » Cela devenait de plus en plus habituel et tout doucement ce jeu gagna aussi mes parents. « Tu sais, il va falloir penser à te trouver un fiancé » « Une jeune fille convenable de ton âge se doit d’avoir des prétendants » « Quand va-tu donc nous présenter un garçon ? »
Ils en étaient arrivé à avoir peur pour mon avenir, et de plus en plus souvent invitaient des amis de mes frères aux repas familiaux pour forcer le destin. Moi, de mon coté, je rêvais secrètement à l’amour. Je l’idolâtrais, je le voyais beau comme un dieu, tendre comme un ange, intelligent, attentionné, calme, et toujours à mon écoute, sachant m’attendre patiemment.
En fait j’avais remarqué un jeune homme. Il était pécheur, et lorsque je me promenais aux alentour de Silver Lake, je le voyais toujours au même endroit. Nous avions engagé la conversation et sa discussion avait ravi mon cœur. Il était natif d’une famille de pécheurs, mais bien que nos milieux soient différents, nous avions les mêmes aspirations secrètes, les mêmes idées de l’amour. Il écrivait des poèmes, et jouait une musique qui m’ensorcelait. Il était la douceur incarnée, et ne me brusquait jamais, j’avais trouvé la perle rare.
Après plusieurs mois de contacts périodiques avec lui, j’avais la certitude qu’il pourrait être celui pour qui j’étais venue au monde, je savais que si jamais je devais me lier à un homme, il serait le plus à même de me combler, et je me résolue donc à en informer mes parents. Leur réaction me bouleversa le cœur.
« Jamais, tu m’entends bien, jamais une fille de ton rang ne se mariera avec un roturier tel que lui » furent les seuls mots que prononça mon père. Et la discussion fût close.
La semaine qui s’en suivi fût terrible. Mes deux frères ne pouvaient pas me croiser sans se moquer de moi, les prétendants se bousculèrent tous les jours et je devais les éconduire les uns après les autres. Ma mère se désespérait de me voir trouver chaussure à mon pied, et mon père me boudait consciencieusement. Tous les jours j’eut à subir leurs sarcasmes, et peu à peu le me mis à les haïr pour se qu’ils me faisaient subir moralement.
Un soir qu’ils m’avaient tous harcelée plus qu’à leur habitude, je m’enfui de table et, les larmes aux yeux trouvais refuge dans ma chambre. La colère m’aveuglait, et brouillait mon esprit, j’étais folle de rage, tapant dans les murs, je demandais au ciel de m’envoyer un signe, pour savoir comment réagir et reprendre le contrôle de ma vie. Un livre tomba alors de mon étagère, je le saisis. C’était un traité de magie ancienne, qui m’avait été offert il y a bien longtemps. Ce n’était pas un livre sérieux, mais plutôt un ouvrage pour les enfants. Il avait été écrit par un mage farfelu, et il était rempli d’incantations ridicules, de sortilèges bizarres, mais rien de bien sérieux. Pourtant en le feuilletant je tombais sur une page étrange.
C’était un sortilège soit disant destiné à permettre à l’amour de naître. Je le lu fébrilement. Il contenait plusieurs formules à utiliser selon des cas bien précis. J’en trouvais une qui se disait capable de « Faire disparaître les Barrières qui se dressent face à l’Amour ». C’était une incantation toute simple et le sorcier expliquait que le charme puissant de ce sortilège pouvait aider les jeunes couples à vivre leur amour, mais que parfois le prix à payer pouvait être élevé.
Machinalement je me mis à penser à mon tendre amour, je le visualisais en fermant les yeux, et je récitais le maléfice machinalement sans y croire.
Rien ne se produisit, comme je m’y attendais, enfin c’est ce que je crus tout d’abord. Je perçus soudain un grand raffut à l’étage d’en dessous, et tendant l’oreille il me semblât reconnaître des voix familières. J’écoutais plus attentivement et reconnu les membres de ma famille. Mais c’était étrange. Il y avait de plus en plus de bruits, les chaises raclaient le sol, des bruits de course, et des cris de peur. Je saisi un petit peigne effilé en os, sur ma commode et descendis dans la salle de repas avec cette seule arme à la main. Plus j’avançais, plus je discernais les paroles prononcées : « Non !! Pas ça !! » « Ahhhhh !!!! » « C’est horrible !! »
Tous hurlaient de plus en plus fort, et je crus que la maison était attaquée par des brigands. Affolée, j’ouvris la porte en grand, m’attendant à y trouver des morts. Mais malheureusement pour eux, ils étaient encore bien vivants.
Le sol s’était ouvert au milieu du salon, et s’était mis à vomir des milliers d’insectes grouillants. Il en courrait de partout, ils se hâtaient hors de leur trou, comme si ils avaient attendu durant des années, le moment de sortir. Ils y en avait qui rampaient, d’autres volaient, mais tous se précipitaient une fois sortis sur les quatre membres de ma famille qui étaient dispersés dans la pièce, ne prenant pas garde aux autres, chacun hurlant de peur, battant des mains, et tentant d’écraser la vermine qui accourait vers eux. J’en fût pétrifiée d’effroi. Je ne savais que faire devant tant d’ennemis et je n’osais pas entrer plus en avant dans la pièce, craignant de devenir moi-même une cible. Je vis un de mes frères reculer, heurter une chaise, et tomber au sol. Il fût recouvert en un instant, je le voyais se débattre tant bien que mal, puis je ne pus bientôt plus distinguer sa silhouette sous l’amas d’insectes. Sur le mur d’en face, mon père était lui aussi submergé. Je le vis crier, et plusieurs cloportes en profitèrent pour entrer dans sa bouche, il tomba en suffocant étouffé par le nombre. A peine à terre, des fourmis d’une taille impressionnante se mirent à arracher de minuscules bouts de viande de son corps. Chacune d’entre elles ne lui faisait qu’une infime blessure mais à peine l’une était partie qu’une autre la remplaçait. Son corps devint vite une plaie humaine vivante. Il ne hurlait plus, car les cloportes avaient commencé à manger sa langue et l’intérieur de ses joues. Il finit par mourir alors, rongé de toutes parts. Je tournais la tête vers mon autre frère et le vis attaqué de tous cotés par des insectes voletant autour de lui. Il y avait des moustiques énormes, des abeilles, des guêpes, des libellules venimeuses et tous fondaient inlassablement sur lui, le piquant et le repiquant encore. Il se défigurait à vue d’œil, sa peau se gonflait de venins divers, et prenait des teintes bleues violacées. Il devenait difforme, trébuchait, ne pouvant plus lever les bras. Il tendis sa tète vers moi une dernière fois, mais je ne pu même pas distinguer ses yeux dans la boule de chair purulente qu’il était devenu. Les venins finirent par arrêter son cœur et il sombra lui aussi. Ma mère hurlait encore à ce moment là. J’étais toujours clouée sur le seuil, mais je me décidais à tenter de lui porter secours. Je n’en eut pas le temps. J’avais à peine fait un pas, que je la vit se précipiter à travers la pièce, les deux bras tendus en avant. Elle avait les deux globes oculaires arrachés, et courrait droit devant elle en poussant des hurlements de dément. Elle trébucha sur le pare feu à l’extrémité de la pièce et tomba la tête la première dans l’âtre ou la soupe du soir cuisait. Elle fût ébouillantée vivante et sa robe prit feu. Les insectes enflammés continuaient inexorablement leur repas, et se précipitaient encore et toujours sur elle. Elle brûla au milieu de la vermine les bras tendus vers le ciel.
J’étais seule, avancée dans la pièce, et les insectes se retournèrent vers moi. Ils se mirent à foncer, et je clos mes paupières attendant la mort. Mais elle ne vint pas. Au bout d’une minute j’entrouvris mes yeux et je vis les derniers survivants du massacre qui réintégraient le trou au centre de la pièce. Ils replongeaient des les entrailles de la terre, puis une fois tous disparu, le sol se refermât, me laissant seule avec les quatre cadavres de ma famille. Puis une voix gutturale retentie dans la pièce : « TON SOUHAIT EST EXAUCE !!! »
Je compris seulement alors que c’était l’incantation que j’avais lancée qui s’était réalisée.
J’étais désespérée, ils étaient tous morts par ma faute, j’étais la seule responsable de ce carnage. Je les voyais là, tous dévorés dans leur coin, et mos âme ne le supporta pas. Je ne voulais plus les voir, je devais payer mes erreurs. Je levait mon peigne en os, et me crevais les deux yeux. Puis je fuis dans la nuit, les ténèbres m’envahissant.
Depuis ce temps je vis recluse, telle un mendiant. J’erre autour du lac de Silver, tentant d’oublier ce que j’ai vécu cette nuit là. Je doit payer le pour le reste de ma vie le mal que j’ai fait. Je n’ai jamais revu mon secret amour, craignant que son contact me révulse en me rappelant cette folle nuit d’horreur. Je l’entends quelque fois qui chante son amour perdu, le soir au bord du lac. »