Publication : 11/10/04.
Auteur : Maltabius.
Mise à jour : aucune.
Poids : 1
Prix d'achat : 30.000 Po
Baduk : G3 Bibliothèque de Baduk
Kedok : H22 La Plume de Mardeus
Boudok : B7 Aux écrits tôt
Histoire 1 : « Où comment l’amour bafoué se transforme en haine. »
Cette première histoire m’a été racontée par un vieillard du nom de Kalir, que j’ai rencontré lors de mes périples sur les terres de Baduk. Et malgré le fait qu’il l’ait vécu alors qu’il était tout juste adolescent, il m’avoua qu’il lui arrivait encore aujourd’hui de se réveiller en hurlant, le corps en sueur et l’esprit totalement paniqué par le souvenir de ce qu’il avait vu ce jour là. Je vous retranscrit tel quel le récit qu’il m’a fait.
« Je vivais à l’époque dans un village de grands chasseurs. Les enfants à peine sevrés étaient immédiatement entraînés à toutes sortes de chasse. La traque, le pistage, la reconnaissance des traces, la fabrication d’armes de jet ou tranchante. Le but étant qu’à peine arrivés à leur majorité, les hommes soient capables de tuer n’importe quelle proie à main nue. Les femmes restaient ensembles au village, occupées à préparer la nourriture et tanner les peaux. Les hommes ne se jugeaient entre eux que par rapport à leur nombre de victimes. Dans mon village, le plus grand des guerriers s’appelait Burtog. De part sa place prédominante, on lui avait d’ailleurs offert la fille du chef dès qu’elle avait été en âge de procréer. Elle se nommait Lumila et elle était belle comme un coucher de soleil. Mais Burtog ne se préoccupait que d’une seule chose : rester le plus grand des chasseurs du village jusqu’à sa mort. Il se levait à l’aube chaque jour et ne rentrait que la nuit tombée, ramenant invariablement son lot d’animaux morts, qu’il entreposait en tas devant sa hutte. Lumila était débordée et devait demander à plusieures de ses amies de l’aider à écouler le stock d’animaux. Burtog était beaucoup trop préoccupé par la chasse et il ne passait aucun temps avec Lumila, qui de son coté travaillait sans répit, seule toute la journée au milieu de cadavres de bêtes.
Pourtant un jour sa vie changeât. Alors que Burtog était parti tôt comme à son habitude, et qu’elle triait les animaux morts pour choisir les meilleures peaux, elle fût intriguée par un petit couinement. Parmi les monceaux de bêtes elle remarqua un mouvement. Elle écarta les corps sans vie et au milieu du tas elle trouva un animal encore vivant. C’était un jeune oiseau serpent venimeux qui avait les deux ailes brisées. Tout doucement elle le recueilli et décida de le soigner. Elle le prit dans ses bras et l’emporta dans la petite réserve de la hutte qui servait de garde manger, et ou Burtog ne mettait jamais les pieds. Elle lui confectionna un petit nid, lui mit des attelles à chaque aile et lui prépara à manger. Au fil des jours, peu à peu, elle parvint à l’apprivoiser. Le petit oiseau serpent, bien à l’abri reprenait vite des forces. Lumila reprenait petit à petit goût à la vie, elle avait trouvé une occupation qui la comblait. Elle baptisa son petit compagnon du doux nom de Melco. Elle passait de plus en plus de temps avec lui, lui apprenait des tours de dressage. Elle se liait et lui offrait tout l’amour que son mari refusait. Les deux ailes de Melco se réparèrent avec le temps et dès que son époux partait à la chasse, Lumila courrait voir Melco. Dès qu’il l’apercevait, il se mettait à chanter en battant des ailes. Il se dressait, et lorsqu’elle s’agenouillait devant lui, il enfouissait sa tète dans le cou de sa bienfaitrice en sifflant doucement. Elle lui chantait des berceuses, lui préparait des petits repas à base d’insectes et de céréales, lissait ses plûmes, caressait ses écailles, et tous les soins qu’elle lui prodiguait, il lui rendait en lui offrant des chants merveilleux ainsi que tout son amour.
Mais le temps que Lumila passait avec son petit Melco, elle ne le passait pas à tanner des peaux et bientôt elle prit du retard dans son travail. Burtog finit par s’en rendre compte et sa première idée fût que sa femme avait un amant. Bien que cela ne le rendait pas malheureux, il eut peur que sa réputation soit entachée et un jour, il parti à la chasse mais discrètement il revint une heure plus tard pour espionner Lumila. Il n’eut pas longtemps à attendre pour la voir entrer dans la réserve et en ressortir avec Melco, jouant avec lui, riant aux éclats tandis que l’oiseau l’ébouriffait de ses battements d’ailes. Burtog serra les dents, et tourna les talons pour repartir en forêt. Il réfléchi toute la journée et compris vite que comme Lumila ne pouvait sortir du village, elle avait donc trouvé un animal encore vivant dans le tas de proies qu’il ramenait chaque jour. Cela lui secoua les esprits violemment. Si il avait loupé une fois sa cible, cela voulais dire qu’il n’était pas infaillible, et alors peut-être qu’un jour un homme du village pourrait lui ravir sa place. Cette pensée le torturait, il ne fallait surtout pas que quelqu’un sache qu’il avait manqué une proie. Cet oiseau serpent était une injure à son rang de grand chasseur, lui le grand Burtog incapable d’achever un banal petit oiseau, s’en était trop, il allait devoir faire disparaître toute trace de cette infamie. Sa décision fut prise et le soir même il mit son projet à exécution. Il revint à la tombée de la nuit comme à son habitude, déposa une dizaine de bêtes sanguinolentes devant la porte de sa hutte, et entra. Lumila attendait devant une marmite son retour, en tournant une grande cuillère en bois dans un grand chaudron. Le fumet qui s’en échappait embaumait la pièce. Il s’assit à table sans rien dire, but une grande chope d’eau et crachat par terre.
« Beuarg !!! Cette eau n’est pas fraîche !! LUMILA !! Va m’en chercher une jarre à la rivière !! »
Lumila s’exécuta immédiatement pour éviter de le contrarier, elle sortit rapidement portant la jarre entre ses bras. Elle fit vite, mais lorsqu’elle revint la hutte était vide. Elle déposa la jarre sur la table et ressortit par derrière. Elle vit tout de suite qu’il y avait de la lumière dans la réserve, et s’y précipita. Mais trop tard !!
Lorsqu’elle poussa la porte elle découvrit Burtog debout au centre de la pièce, son coutelas à la main droite et dans la gauche la tète de Melco, dont le corps gisait dans une mare de sang à ses pieds. Elle hurla et se jeta sur son époux, lui tambourinant le torse de ses deux poings, pleurant à chaudes larmes, lui ne bougea même pas, et se contenta de la balayer d’un revers du bras.
« Désolé mais aucun animal ne peut me survivre, je devait le finir pour rester le plus grand des chasseurs, allons oublie ça et viens manger »
Puis il retourna dans la hutte s’assit à table et prit son repas.
Lumila resta prostrée dans la réserve durant toute la nuit, agenouillée dans la mare de sang, sanglotante, tenant dans ses bras le petit corps sans vie de Melco, et au matin lorsqu’elle en sortit elle croisa Burtog sans le regarder et s’enferma dans leur chambre. Il se dit qu’elle oublierait vite cet événement et reparti faire son lot quotidien de morts.
Mais dans la semaine qui suivi, elle ne lui adressa plus la parole, elle refusa de travailler les peaux et de préparer à manger. Il la laissa faire se disant que finalement elle avait peut-être besoin d’un peu de temps pour oublier, pourtant les évènements lui prouvèrent le contraire.
Au bout d’un mois Lumila n’étais toujours pas sortie de son mutisme, et Burtog commençait à se faire du souci. Un autre mois passa sans que la situation évolue, puis un troisième. Burtog fini par accepter cette vie, qui en fait ne le changeait pas beaucoup de celle qu’il avait eut avec sa femme par le passé. Il laissait dorénavant ses proies sur la place du village et chacun se servait, en contrepartie les femmes se relayaient pour lui préparer ses repas et ses vêtements.
Quant à Lumila, elle s’était aménagée une couche dans la réserve et vivait à présent ici, sans presque jamais en sortir.
Mais les choses prirent une tournure terrible avec le temps.
Burtog venait de passer trois jours d’affilé à la chasse et il rentra épuisé un matin d’hiver. Il se restaura un peu puis s’endormi profondément. Ses rêves furent peuplés de cauchemars, il luttait contre une troupe de monstres et plus il en abattait, plus il en arrivait. Il se retrouva submergé par le nombre et peu à peu il fut coincé, ne pouvant plus bouger aucuns membres. Il se débattait dans son lit, se tournant sur lui même, puis se réveilla finalement en sursaut. Il lui semblait être encore dans ses rêves car il ne parvenait toujours pas à bouger. Il fini par se réveiller totalement et constata qu’il était ligoté au montant du lit. Ses deux bras solidement attachés à la tète de sa couche par deux cordes robustes et ses deux jambes liées entre elles et collées au lit par une chaîne qui en faisait plusieurs fois le tour. Lumila était là devant lui, au pied du lit, elle le regardait fixement avec des éclats de rage lui passant dans les yeux. Il l’interrogeât.
« Mais que fait-tu ?? Pourquoi m’a-tu attaché ?? »
Elle parla et il ne reconnu pas sa voix. Il ne l’avait pas entendu depuis longtemps mais il y avait quelque chose de changé. Elle grognait plus qu’elle ne parlait.
« Tu vas payer pour Melco »
Elle grimpa sur le lit et se mit à califourchon sur Burtog, puis sorti de sa ceinture un grand poignard. Elle se mit à labourer le torse de son mari avec son arme. Elle l’entailla d’une dizaine de balafres peu profonde, et le sang se mit à couler doucement. Burtog serrait les dents tout en tirant sur les cordes qui bloquaient ses mains, mais Lumila avait bien fait ses nœuds et il ne parvenait pas à se libérer. Puis, alors qu’il pensait sa dernière heure arrivée, elle jeta le couteau et se releva.
« Libère moi, et je ne te ferait pas de mal » supplia Burtog.
Elle répéta :
« Tu vas payer pour Melco »
Puis elle quitta la hutte. Burtog souffrait atrocement, ses poignets étaient entaillés par les cordes et il ne sentait plus le sang circuler dans ses jambes. Il réfléchissait à toute allure à un moyen de se libérer, mais ses blessures l’empêchaient de se concentrer. La porte se rouvrit et Lumila entra. Elle traînait derrière elle un griffon adulte en laisse. Il avait une muselière et les pattes entourées par des protections en cuir. Elle s’agenouilla devant lui, et commença à le caresser doucement sous le cou. Le griffon ronronnait de plaisir. Puis calmement elle lui retira sa muselière sans qu’il ne s’énerve. Elle se pencha encore et enleva les quatre entraves de ses pattes, libérant d’énormes griffes. A peine la muselière retirée, le griffon senti l’odeur du sang dans la pièce et il commença à s’agiter. Lumila se releva et reculant tranquillement elle ressorti en verrouillant la porte derrière elle.
Burtog ne bougeait plus, il essayer de ne pas attirer l’attention de la bête féroce, mais celle-ci tournait déjà au pied du lit. Le griffon repéra les lieux tout d’abord, sentant à chaque coin pour trouver une présence hostile, mais voyant qu’il n’y avait rien que l’homme couché et lui, il s’intéressa à sa future victime. D’un bond il sauta sur le lit, les quatre pattes de chaque coté du corps de Burtog. Il le renifla longuement tandis que l’homme perdait le contrôle de sa vessie. Puis se fut la curée. D’un vigoureux coup de patte, le griffon ouvrit le ventre de Burtog de haut en bas, et il se mit à manger les entrailles du chasseur. L’homme poussa un hurlement qui couvrit le bruit de succion de la bête. Il voyait le griffon sortir ses tripes de son ventre, il voyait ses babines couvertes de sang, et sa tète replonger inexorablement après chaque bouchée. Lorsqu’il lui arracha le foie, Burtog s’évanoui, mais lorsqu’il se mit à tirer sur son estomac, la douleur le réveilla. Des hommes tambourinaient à la porte close, et affolés par les cris à l’intérieur commencèrent à la fendre à la hache. A l’intérieur la souffrance atroce de Burtog prenait fin. Il vit une dernière fois le regard goulu du fauve mastiquant ses boyaux, puis, une fois sa dernière bouché avalée, celui-ci lui dévora le cœur, mettant fin au calvaire de sa victime.
La porte vola en éclat et plusieurs chasseurs entrèrent en même temps. Les deux premiers s’effondrèrent au sol en rendant tripes et boyaux, le troisième s’évanoui devant l’horreur du spectacle, le quatrième était Kalir, et il resta pétrifié sur le seuil, bouche bée. Les hommes reprirent leurs esprits rapidement de peur de subir le même sort que Burtog, et le fauve fut abattu rapidement.
Lumila ne fut jamais retrouvée, et Burtog fut enterré avec tous les honneurs dus à son rang.
Quand à Kalir, aujourd’hui encore, lorsqu’il raconte cette histoire aux jeunes chasseurs du village, il frémit secrètement, revoyant mentalement la scène qui allait le hanter durant toute sa vie.