Publication : 22/09/04.
Auteur : WebAragorn.
Mise à jour : aucune.
Poids : 1
Prix d'achat : 70.000 Po
Baduk : G3 Bibliothèque de Baduk
Le cavalier franchit les vallées inférieures de l'Utkar-duath, passant le guet du fleuve à quelques lieues en amont. Au bord de la route, à flanc de colline, une abondance d'herbes et de buissons odorants poussaient dans de larges clairières séparant de petits bois d'arbres résineux, sapins, cèdres et cyprès et d'autres espèces inconnues dans les plaines d'Ossianie. Vers l'Ouest, descendaient en pentes douces dans des brumes légères très en contrebas, les premiers contreforts du Phalagrimm, passage vers la mythique terre de Sidhara.
WebAragorn s'obstinait à suivre du regard la ligne des crêtes qui le mènerait à Silmador, la cité des druides. Comme tous les fils aînés des clans d'Ossianie, l'âge de la maturité atteint, il devait participer aux cérémonies de l'oracle de la troisième lune, à l'issue desquelles sa vaillance serait éprouvée suivant le rite des guerriers Dánann.
C'est ainsi qu'après avoir reçu de son père la bénédiction et les oripeaux du clan familial, il était parti aux premières lueurs de l'aube pour la citadelle des druides.
A la lisière d'une forêt, un rayon de soleil perçant le dense feuillage, lui fit entrevoir les scintillants reflets d'une eau claire. Pénétrant sous l'ombrage des frondaisons, où flottait l'haleine brumeuse des marais, la douce clarté des sous-bois, lui apparut un instant comme émergeant d'un autre monde. En peu de temps il atteignit une clairière marécageuse, là affleurait un ruisseau limpide où il étancha sa soif. Envoûté alors par la quiétude des lieux, l'envie lui vint de se reposer un moment à l'abris de roseaux. Son esprit s'assoupit bercé par les étranges clameurs des bois. C'est ainsi qu'il arriva au milieu d'un songe, aperçevant dans un flot de lueurs rougeoyantes, la silhouette fantomatique, s'approchant de lui, d'une jeune femme vêtue de noir et coiffée de plumes de corbeau.
_ Je suis la messagère de Mórrígan, dit-elle, des Elfes de l'Aurore tu seras le glaive de justice, c'est en leur nom que je parle ; seras-tu prêt à affronter la magie pour que s'accomplisse la destinée des rois ?... si tu l'es, alors tu dois voir dans le reflet de cette eau le chemin qui conduit à l'Épée de l'invincibilité, forgée par les Sidhes en des temps immémoriaux !...
Son attention fut alors attirée par le scintillement de l'onde dans laquelle se reflétaient trois astres lunaires et, levant la tête, il aperçut une quatrième lune dans l'éther, dont la lueur était plus intense, mais curieusement, le ruisseau ne réverbérait pas sa clarté. Comme mû par une force étrangère à sa volonté, il se laissa conduire dans la lumière de l'astre, gravissant le versant d'une montagne jusqu'aux pieds d'une gigantesque arche de pierre sur laquelle le cercle lumineux semblait posé.
Sans pouvoir se rappeler la suite de son rêve, WebAragorn reprit conscience un peu plus tard et ne parvint qu'après un long moment à se détacher de la troublante fascination que l'apparition avait exercée sur son âme. Contemplant l'eau du ruisseau qui coulait paisiblement vers quelque obscur marécage, il se surprit à s'interroger sur la signification de sa mission : fallait-il reprendre le chemin du palais ou s'enfoncer davantage dans cette forêt qui, semble-t-il, ne lui avait pas encore livré tous ses secrets ?
Chap 2
Le soir venu, les litanies des druides commencèrent aux portes de Silmador. La procession arriva quelques heures plus tard aux cimes de la montagne sacrée, étoilant le chemin sinueux d'innombrables points de lumière. A mesure que l'obscurité se faisait plus profonde, le versant parsemé de lueurs rouges qui montaient des basses crêtes en longues files tremblotantes ressemblait à une crinière céleste. Un promontoir rocheux formant un plateau élevé devint leur point de ralliement. A cet endroit, la colonne se resserra pour se concentrer en un essaim lumineux aux bords ondoyants. Seuls les guerriers, fermant la marche, restèrent aux portes du sanctuaire que délimitait un simple muret couvert d'inscriptions étranges. Iotan se trouvait parmi eux.
Formant un cercle purificatoire d'une blancheur comparable au halo lunaire, les druides s'assemblèrent à l'intérieur de l'enceinte sacrée. L'oracle s'avança en leur centre et prit le calice d'argent posé sur un socle de pierre. Après avoir bu tout son contenu, il se couvrit la tête d'un voile noir et pourpre, annonçant par ce geste le début du cérémonial des invocations. Les chants liturgiques des officiants montèrent alors vers la clarté lunaire, accompagnant chaque parole du grand devin. Celles-ci, dans la langue des Elfes, prononcées au soir de la troisième culmination de l'astre, en ce lieu revêtaient de célestes pouvoirs. La légende racontait que le grand Roi Thagdar, lui-même, avait fondé Silmador après qu'eurent été accomplis les voeux de conquête qu'il avait formés sur le versant de la montagne.
A peine le rituel venait-il de commencer qu'un nuage voila la lune d'une obscurité soudaine. Un phénomène aussi inattendu jeta le trouble parmi l'assemblée. Lorsque l'astre réapparut, une silhouette imposante vêtue de noir s'avanca vers l'oracle, lui demandant d'interpréter l'événement. Le druide noir chargea deux officiants d'aller chercher le taureau sacrificiel pour procéder immédiatement à la lecture du présage.
CHAP 3
De sa cachette le nain avait guetté le moment où le grand prêtre allait porter au souverain le Ciboire d'argent qui avait recueillit le sang du sacrifice, il sorti d'un buisson, bondit sur les pierres avant de s'engouffrer dans une cavité du rocher. À la faveur de l'obscurité, le petit personnage s'était habillement faufilé, regagnant sur l'autre versant, la lisière de la forêt. De ce côté de la montagne, s'étendait une contrée inhospitalière, boisée et rocailleuse, jusqu'aux confins de l'Ossianie. De cette terre abreuvée par mille sources sortait incessamment une vapeur diaphane, une légère brume faisant autour des lacs et des pierres une fumée rampante. Remontant le cours d'une des sources, le nain parvint à l'aube au repaire d'Assülirus. Auprès d'un feu de tourbe, le vieil ermite méditait à demi éveillé.
_ C'est toi, Volk ? questionna-t-il.
_ Oui ... Je viens du ... de la montagne des druides. J'ai ... je l'ai vu ... s'exclama haletant le petit homme, j'ai vu la lune se voiler ! Elle a disparu ... lorsque le grand prêtre a prononcé le nom de la déesse. Tout s'est passé exactement selon la prophétie !
_ Voilà bien une grande nouvelle, mon ami et ...
Le vieil homme s'interrompit brusquement.
_ Ecoute ! écoute le chant des arbres monter vers l'aurore et le vol des oiseaux regagner les cimes...!
_ Oui là-bas, reprit Volk, je les voie, ils reviennent en masse vers la montagne, ce sont de grands rapaces ... !
_ Ils s'apprêtent à un festin, continua l'ermitte. Le sacrifice du taureau blanc a eu lieu avant l'aube. En cette heure même, les devins augurent du sang de l'animal. La prédiction de la prophétesse annonce que l'élu prendra conscience, à ce moment même, de sa destinée... Mais, dis-moi, comment as-tu fait pour t'approcher du sanctuaire ?
Après s'être assis devant le feu, Volk raconta les évènements.
_ Je connaissais une caverne de la Montagne, j'étais caché là, depuis trois jours. A l'abri d'un escarpement situé sous le promontoir du sanctuaire, je suis resté accroupi pendant des heures, l'oreille aux aguets et sursautant au moindre bruit. Le soir du deuxième jour, quelqu'un a pénétré dans ma grotte. De l'endroit où je me trouvais dissimulé, je ne pouvais rien voir, mais soudain j'ai entendu son pas lent et peu assuré, comme celui d'un vieil homme, venir vers moi, il est passé sans me voir et puis, il a disparu d'un coup !
_ Que venait-il faire là ? questionna l'ermitte, visiblement intrigué.
_ Il est allé au fond de la grotte et, comme il ne semblait pas en revenir, j'entrepris de me glisser dehors. Ensuite je parvins à me cacher dans un buisson, derrière un rocher, à peu de distance du sanctuaire, avant que la grande procession n'atteigne les cimes. Quand la lune s'est obscurcie, alors je me suis souvenu de la prophétie que vous aviez conté à mon père...
_ Ton père, Setibos, était un sage, après le départ d'Erlade il aurait pu mettre fin aux querelles des siens et les unir pour lutter contre Thagdar. Mais la douleur dans laquelle l'a plongé la maladie incurable de ta soeur l'a égaré !
_ Oui, cela fait bien longtemps, poursuivit l'ermitte, les Odhons, notre peuple, avaient établi un sanctuaire aujourd'hui abandonné auquel conduit cette caverne. En ce temps, les druides admiraient notre science des remèdes, ils me considéraient même comme un des leurs parce que j'ai guérit leur oracle.
Le vieil ermitte marqua une hésitation. Puis il reprit.
Mais un jour, dans le labyrinthe du sanctuaire, j'ai vu la pierre sacrée, la Pierre de Fáil, que seul notre mage savait utiliser. Ma curiosité a été punie, à cause d'elle mes yeux ont perdu leur flamme, tel est le terrible châtiment que l'Ordre inflige à ceux qui ont osé la contempler. Ils m'ont aussi banni à jamais de leur communauté.
_ Rien n'est encore perdu, rétorqua le petit homme ! J'y ai beaucoup réfléchi. Seul un être de ma taille peut s'introduire dans le labyrinthe sans y être vu ! Si je réussissais à récupérer cette pierre dont Thagdar tire sa puissance, ne croyez-vous pas qu'Erlade retrouverait ses pouvoirs ?
_ Peut-être les Elfes t'ont-ils choisi, après tout, pour accomplir cette prophétie ? Je peux t'y aider en effet, personne ne pourrait mieux que moi te décrire tous les passages secrets du labyrinthe qui mène à la Pierre. A défaut de la vue, ma mémoire les reconnaîtrait encore. Conduis-moi à cette caverne et je t'aiderai à reprendre le talisman qui revient à ton peuple.
La grisaille de l'aurore faisait place, çà et là, aux brumes humides et froides d'une matinée automnale. Assülirus avançait dans les pas de son guide avec précaution, se servant de son bâton pour tâter le chemin et assurer son équilibre. Les rochers, bien que plats et unis, étaient couverts d'une mousse verdâtre qui les rendait glissants. Ils continuèrent leur chemin jusqu'au moment où les bois s'éclaircirent et où le terrain commença de monter en pente plus raide. Ils contournèrent alors les masses rocailleuses où s'engouffrait le ruisseau, maintenant devenu un torrent rapide, jaillissant et bondissant sur de nombreuses pierres dans un lit profondément creusé que surplombait, de son arrongance immuable, le Phalagrimm.
Plus aride, l'autre versant formait une curieuse mosaïque de pierres enchevêtrées, un dédale de mégalithes modelés par l'érosion du vent et le flot impétueux, depuis longtemps tari, des eaux du glacier. L'arche de pierre leur apparut au détour d'un méandre, enjambant un ravin asséché dont le cours aboutissait à une anfractuosité du rocher très étroite.
_ Voici l'entrée de la caverne, dit Volk, il y a un passage plus large derrière ces éboulis de roches.
Ils se décidèrent à pénétrer, finalement, dans l'antre de la grotte. Mais après quelques pas dans une demi-obscurité, Volk s'arrêta net, retenu par une main ferme. L'odeur familière de la résine était parvenue aux narines d'Assülirus qui le stoppa pour lui montrer dans un retrait, le tronc d'un arbre desséché qui reposait.
_ Ce bois est un bon combustible, dit-il, tu auras besoin d'une torche dans le tunnel. Elle te permettra aussi de pouvoir suivre du regard ton ombre, car si elle disparaît, ce sera le signe que le glám dicinn, la malédiction suprême des druides, est tombée sur nous. Mais n'aie aucune crainte, je connais la posture à adopter ainsi que la formule qui évite d'y succomber ... !
La flamme oscillait, projetant leurs silhouettes sur la voûte en berceau qui, par endroits, s'infléchissait. En dépit du froid qui s'accentuait, le petit homme sentait la transpiration coller ses vêtements contre sa peau. L'excitation d'un danger imminent le galvanisait. Dans le tunnel obscur, il lui semblait déjà avoir parcouru une longue distance, guettant à chaque pas son ombre. Ne se retournant, à intervalles réguliers, que pour s'assurer de la présence de celle de son compagon. Assülirus le suivait à peu de distance, tâtonnant du bout des doigts la paroi humide.
Comme ils contournaient le coude abrupt d'une galerie, au bout de trois cent pas environ, Volk aperçut une vague lueur. Ils firent encore deux virages. Malgré leur progression, la lueur, vive désormais, ne montrait pas son origine. Puis soudain, elle parut, il la vit s'échapper du sol, se découpant à travers une grille de métal. Prudemment, il s'approcha. Au dernier moment, à quatre pattes, il regarda entre les barreaux d'un métal précieux. Une fosse s'étendait au-dessous de lui. La cavité avait plus de huit cents pieds de profondeur et des proportions colossales. La paroi reluisait d'un éclat terne à la lueur des torches qui flambaient, de place en place, le long d'énormes murs étayés par des poutres droites.
_ Que vois-tu ? lui demanda son compagnon.
Volk décrivit l'endroit avec le plus de détails possible.
_ Viens, suis-moi, insista l'ermitte, je connais le chemin qui mène au fond de ce puits !
Le vieil homme disparut alors dans un étroit passage, si bien dissimulé dans la pénombre que Volk crut le voir traverser la paroi rocheuse. Puis à son tour, il s'enfonça dans la sombre faille, aussi facilement que l'on franchit dans un songe un mur imaginaire. De l'autre côté, les entrailles de la montagne formaient un vaste entonnoir dans lequel un chemin laissé par l'empreinte des eaux tourbillonnantes descendait en spirale vers les profondeurs. Des zones d'obscurité semblaient indiquer, de distance en distance, l'entrée de nombreuses galeries. L'une d'entre elles devait conduire au souterrain. Assülirus fit signe à son compagnon de le suivre sur l'étroit sentier. La torche éclairait au-dessus de leurs têtes la paroi du rocher qui semblait immense. En descendant le long de celle-ci, Volk se sentait envahi d'une crainte irrationnelle, que l'obscurité profonde nourrissait d'un étrange pressentiment. Pourquoi supposait-il que le chemin qui s'enfonçait dans le gouffre conduisait tout droit aux portes de l'enfer ? Pourquoi donc sentait-il de son antre s'exhaler des odeurs maléfiques ? Quelle stupidité ! Après tout, ses ancêtres avaient vécu dans ces cavernes des siècles durant.
A chaque niveau, les deux hommes respiraient un souffle tiède qui s'échappait de petits tunnels faisant office de puits d'aération.
à suivre ...