Publication : 26/08/2004.
Auteur : Ourane.
Mise à jour : aucune.
Poids : 1
Prix d'achat : 30.000 Po
Baduk : G3 Bibliothèque de Baduk
Ourane, la chasseresse venue des mondes mouvants.
Il existe un pays où le ciel n'est pas bleu.
Nul ne sait pourquoi il en est ainsi, si bien qu'avec le temps, ce qui a par le passé été une aberration est devenu une habitude. Oh, on parle encore du ciel bleu d'autrefois dans les récits des conteurs, mais plus personne n'y croit vraiment.
Ce matin la, le soleil se levait, blafard, dans un ciel étrangement vert.
Etendus dans l'herbe d'une petite clairière cachée par de grands arbres, un groupe de lumors sommeillaient encore. Au milieu des fauves, une jeune femme, d'une vingtaine d'années, s'éveillait tranquillement en s'étirant comme un chat. Ourane ouvrit ses grands yeux verts et sourit au jour naissant ; puis elle secoua le lumor qui lui servait d'oreiller et le chatouilla pour le faire se lever d'un bond. Ils roulèrent ainsi l'un sur l'autre dans l'herbe haute en poussant des cris et des feulements joueurs.
Dans ce monde étrange, toutes les nuits, les choses s'altéraient. Un arbre un jour pouvait devenir une mare le lendemain ; une montagne, une foret ; un poisson, un oiseau bizarre ; et les hommes, des êtres poilus aux oreilles pointus, manquant parfois la bouche ou un pied.
Et pourtant, il existait certaines zones résistantes a l'altération : les points de réalité. C'est dans ces lieux que properaient les villes qui étaient reliées entre elles par une caste de soldats assurant transport de marchandise et information. Les Fir-Khas, comme ils se nommaient, étaient capable de se déplacer pendant que le monde s'altérait.
Apres des siècles sous leur domination, des civils découvrirent que pour ne pas se métamorphoser, les soldats buvaient du sang d'êtres inaltérables. Les lumors étaient de ceux la.
Issus d'une espèce de croisement, d'évolution naturelle, entre fauve et loup altérés, ces implacables prédateurs étaient parfaitement adaptés à leur environnement versatile. Dotés de griffes acérées, de puissants membres arrières, d'une agilité hors du commun, les cinq sens exacerbés, de très faible besoin en nourriture et en sommeil. Tout dans ces animaux n'avait, semble t il, été pensés que pour leur permettre de survivre quand les éléments bougent, se métamorphosent ou se volatilisent sous leurs pattes.
Lorsque l'humaine et le lumor eurent fini de jouer, extenués et ravis, la jeune femme se redressa doucement pour observer entre les troncs d'arbres, la ligne plate et infinie de l'horizon.
Au loin, Upanishad, une ville qu'elle ne connaissait que trop bien. Ses bâtiments immenses, ses habitants sectaires, ses rites et croyances qu'elle ne comprenait pas. et lui, Gynu, pour qui elle était partie; à cause de qui elle avait tout quitté.
Vivre seule. C'était le meilleur moyen pour ne plus souffrir, pour ne plus croire au bonheur. Sans doute.
Elle secoua la tête et ses longs cheveux ondulés, pour débarrasser ses idées des fantômes du passé. Combien de temps qu'elle survivait ici ? Cinq ans, peut être un peu plus. Quitter la société l'avait aussi coupé de la notion humaine du temps. Dans cette clairière cachée par des bois et perchée sur une colline, son temps à elle était primaire, animal.
Les hommes ne s'aventuraient jamais jusqu'à son nouveau domaine. Ni la nuit a cause de l'altération, ni le jour par peur d'être dévoré par les lumors. De sorte que nul n'avait découvert la précieuse spécificité de l'endroit. Cette petite clairière tapissée d'herbes hautes et encadrée d'une rangée de végétaux, ne s'altérait, curieusement, jamais. Tout autour, juste après les huntis, de grands arbres au feuillage persistant, le monde se modifiait la nuit, mais la clairière secrète restait, immuable, cachée par les huntis, indétectable.
Il vint un jour ou des chasseurs de réalité arrivèrent dans le petit havre de paix d'Ourane. Ces hommes armés et puissants montés sur des gnarrs, capables de détecter un endroit non altérable, vendaient ces lieux au plus offrant.
La bataille fut sanglante. La jeune femme, rompue à la chasse a mains nues, en tua trois et en blessa deux autres. Le groupe de lumors se battait de toutes ses forces mais ne pouvait grand-chose contre les épées longues et aiguisées des chasseurs.
Kinan, le lumor le plus proche de la jeune femme en égorgea quelques uns et tira Ourane par la peau de bête qui lui couvrait les cuisses jusqu'à un recoin de la clairière éloigné des regards. Dans le tumulte de la bataille les chasseurs de réalité ne remarquèrent pas leur fuite.
Blessé, le lumor leva ses yeux épuisés sur Ourane, comme apaisé de la voir encore en vie. La jeune femme pleurait en silence, digérant son impuissance à sauver ses frères de cour du massacre et voyant son compagnon trop proche de la mort pour fuir avec elle. Elle lui posa une main tendre sur le museau et frotta doucement son nez contre la truffe de l'animal.
« Ça va aller Kinan. Tiens le coup. Je vais t'emmener loin d'ici et te soigner»
Le lumor plongea intensément son regard dans celui de l'humaine. Elle recula aussitôt d'un pas, choquée, comprenant ce qu'il lui demandait tacitement.
« Non je . c'est hors de question ! Tu ne vas pas mourir et tu vas venir avec moi ! » Balbutia t elle davantage pour se convaincre ; les yeux baignés de larmes.
Kinan eu un soupir las et ferma ses yeux en amande une dernière fois.
Ourane aurait voulu crier, hurler son déchirement. Elle se jeta sur lui, et le prit dans ses bras, le serrant aussi fort qu'elle le pouvait, le visage enfoui dans son pelage ocre.
Apres de brèves minutes elle desserra son étreinte. Elle regarda tristement le corps quitté par la vie puis elle se décida. Elle plongea sa main avec force entre les cotes de Kinan de sorte d'en déchirer la chair et d'en extraire son cour, encore chaud et empli de sang. Selon les dernières volontés silencieuse de son compagnon, elle mangea son cour et bu son sang, se rendant ainsi aussi inaltérable que lui et capable de partir loin de ce monde en sursis. Ecoeurée, elle finit néanmoins. Ourane arracha en souvenir de lui, un petit carré de son pelage et s'enfuit dans les bois sans être repérée des chasseurs de réalité qui se félicitaient de la bagarre victorieuse du jour.
Sans réfléchir, elle couru et marcha pendant des nuits et des jours. Voyant l'altération, se reposant a peine, mangeant juste ce qu'il fallait pour ne pas tomber et toujours dans la même direction : loin a l'est. La ou aucun humain d'Al-Terra n'était allé. La ou elle était sure de trouver un autre monde.
Je ne veux plus vivre seule. Je veux vivre en meute, en groupe comme mes frères. Je veux vivre de toute mon énergie, en ton honneur Kinan. Je vais être tout ce que tu m'as apprit, la meilleure chasseresse de tout les temps.